Jour 13 repos à Chernivtsi



Bel appart mais nuit bof… C’est sous les combles et la clim n’a pas réussi à faire redescendre la température que le soleil avait provoquée en tapant sur la toiture toute la journée. J’étais également un peu rincé, les 30 derniers kilomètres sur des grands bouts droits de routes défoncées avaient bien mis à l’épreuve mon vieil organisme. Malgré le Bepanthen, les deux endroits intimes de contacts avec ma selle sont un peu « caramélisés ».

Réveillé très tôt, je pars en recherche d’une terrasse parisienne pour boire un double expresso avec de bons croissants. Tu rêves Bouillard, tu es à Chernivtsi! Sur la place de mon quartier, il n’y a qu’un KFC et après avoir tourné en rond, je me résigne à m’adresser à un petit commerce sur rue où finalement j’obtiens un grand café  un jus orange et deux biscuits au chocolat, le tout excellent. La gamine qui est au guichet parle un anglais parfait. Je vais m’asseoir sur un banc de la place, à côté d’une statue que je ne sais pas identifier, tandis que je déguste ce qui est loin d’être le plus mauvais petit déjeuner de mon périple, je regarde les gens monter et descendre des bus archaïques. Un militaire avec tout son équipement attend vraisemblablement pour partir. De loin, j’avais cru à un tout jeune homme tellement il est mince, mais en fait il est bien plus âgé. Je le sens bien seul. Et d’ailleurs personne ne fait attention à lui, ni les adultes affairés, ni les jeunes casse-cou en trottinettes et pas plus les ados tatoués qui sortent peut-être de soirées prolongées. Je me demande quel est l’état d’esprit de cet homme qui vient de s’arracher à sa famille pour aller se faire mitrailler par les drones de Poutine, en plein début d’été caniculaire. 

Y aurait-il une question plus stupide que celle-ci: How do you feel this morning? il n’est pas évident d’aborder le sujet de la guerre avec ces hommes qui la subissent.

Mais j’ai rendez-vous ce matin et je ne dois pas traîner, je retourne à l’appart’ et le temps de prendre ma douche, je reçois le texto de Ruslan, mon nouvel ami de la veille.

En passant à la réception pour confirmer que je reste une nuit de plus, je me plains un peu de la chaleur et on me change immédiatement de chambre, je n’ai qu’à préparer mes affaires, ils se chargeront de les descendre.

Un gros Toyota noir m’attend devant la porte avec son bord, Ruslan, sa femme Marguarita et leur fille Eva, il me proposent de commencer par un petit déjeuner dans un endroit branché. 



Nous partons ensuite  à travers la ville et il m’expliquent la fonction de tout les gros immeubles soviétiques devant lesquels, on passe. C’est une ville universitaire. Il y a là toutes les facs que l’on peut imaginer. Nous nous rendons d’abord à l’université, un groupe d’immeubles en briques rouges que j’avais déjà repéré la veille. Nous pénétrons dans la cour, il y a un mariage dans la chapelle.







Puis de là nous descendons au centre-ville où nous arrivons quelques minutes trop tard pour assister au concert d’un trompettiste qui joue l’hymne national tous les dimanches matin à la même heure devant des dizaines de gens qui le prennent en vidéo.



Nous roulons ensuite jusqu’à la rue piétonne de la ville où il y a de très jolies terrasses. Nous nous installons et commandons des rafraîchissements. Je suis surpris dans ce pays par le nombre d’endroit qui proposent la wi-fi librement.







Marguarita sonne à une porte et semble négocier avec quelqu’un par téléphone. On nous ouvre et nous escaladons plusieurs étages qui finissent très étroitement par un petit escalier métallique. C’est le plus petit Rooftop que j’ai jamais vu, il y a une petite table et deux chaises, une vue 360 sur la ville et la campagne environnantes et le coucher de soleil ici doit être fantastique.




Puis nous marchons jusqu’à la cathédrale, et la messe qui a commencé à 9h n’est pas encore terminée, il est 13 heures. Je n’aime pas entrer dans ce genre d’endroit en short et maillot rouge. Toutes les femmes ont un foulard et tout le monde chante sérieusement.



Je réalise une fois encore que la foi dépend directement de sa qualité de vie. Facile d’être athée quand tout va bien.

Puis il me proposent d’aller déjeuner et de goûter un plat ukrainien.

On arrive dans un endroit encore très original, et ils arrivent à me convaincre à choisir un bortsch. 





C’est une soupe de légumes, d’oignons, haricots et quelques morceaux de viande, ils me conseillent de verser le petit pot de crème dedans et de l’agrémenter, de tranches de lard.

C’est délicieux. En revanche, je n’aime pas du tout la boisson nationale, un mélange de jus de fruits qui sent beaucoup le fumé.

Notre débat porte beaucoup sur les différences de vie entre nos deux pays, et il y a vraiment un monde entre le leur et l’hexagone.

J’ai noté par exemple le montant maximum de la retraite chez eux est de 200 €. Quand je leur dis combien coûte un petit appartement à Paris, ils tombent à la renverse.

Ils ont dû quitter Kyiv en laissant beaucoup de choses, ils font partie des privilégiés qui ont le droit de quitter le pays, mais leurs parents sont restés sur place au milieu des bombardements réguliers de Poutine. D’ailleurs, pendant le repas, les parents de Ruslan appellent en FaceTime et je me dis que lorsque je fais un FaceTime avec mon fils ou ma fille il y a loin d’avoir la même tension.

Ils vont insister encore pour me raccompagner, et bien sûr, je n’ai encore rien pu payer! Je leur ai fait promettre d’absolument m’avertir si ils viennent à Paris.

Ils me déposent et je les remercie chaleureusement.

Je n’oublierai jamais leur gentillesse.



Mon nouvel appartement est superbe et très frais, mes affaires ont été descendues. Je vais pouvoir faire une bonne sieste.

Commentaires

Vévé a dit…
Merci pour cette journée de repos. Encore une fois la vie continue en toute circonstance et c’est mieux ainsi… Les gens les plus riches sont souvent les moins généreux et cela se confirme au fil de ton aventure. Tu rentreras heureux et chamboulé par tes rencontres mais tjrs et encore tu auras envie de repartir vers l’Est.
Bises 😉
Je connaissais Nothong , Bussi et Lévy mais désormais je connais BOUILLE l écrivain , j espère que tout ce que tu racontes là fera partie d un chapitre de ton bouquin. Tu inspires confiance tu ne peux que rencontrer des gens sympa ,on ne peux pas croire qu une partie du pays est en guerre , ça parrait irréel. Bonne journée je pense que tu vas chevaucher ta monture aujourd'hui , ne la fait pas trop souffrir. Bises
Rico a dit…
Salut Jean Pierre, tu peux rentrer maintenant, il fait beau !
Tounet :-) a dit…
Salut Papa, j'ai adoré cette journée, tu nous avais déjà envoyé des vidéos sur WhatsApp mais on n'avait pas tous les details ! Ces rencontres sont incroyables, je me mets souvent à la place de ce type d'autochtones quand je suis face à des étrangers, et je pense souvent à tes rencontres où les gens sont rassurés par tous ces gestes de sympathie. C'est tellement réconfortant de voir cette générosité <3
Lolie a dit…
Oh ben j'ai une petite larme à l'oeil en lisant le récit de cette jolie rencontre. ça remet les idées en place ... Tellement de gens ont des discussions "tendues" avec leurs familles en ce moment, et moi je t'appelle pour te raconter mes mésaventures avec Leroy Merlin... Merci pour la petite piqure de rappel <3
Coco a dit…
Ce Ruzlan est formidable, nous aurions tous envie de le rencontrer ainsi que sa famille

Posts les plus consultés de ce blog

Jour 12 Chernivtsi

Jour 11

Jour 9 repos